La fête de la musique en direct de Cabourg Mon Amour
Cette année, Radio Phénix vous invite à célébrer la musique en direct du festival Cabourg Mon Amour. Le 21 juin, de…
Le morceau « No Pasarán”, sorti lundi soir sur Youtube, a fait couler beaucoup d’encre. À l’instar du collectif de rappeurs derrière ce morceau, les artistes français s’engagent. Dans le contexte des élections législatives, les prises de parole fleurissent sur les réseaux mais aussi sur les scènes. Les artistes profitent du micro pour appeler le public à voter. Une période qui rappelle de nombreux épisodes historiques du pays. Des événements durant lesquels les rappeurs et rappeuses se sont à chaque fois mobilisé·e·s. Retour sur 10 morceaux emblématiques du rap français.
11’30 contre les lois racistes – Akhenaton, Freeman, Mystik, Assassin, Fabe, Passi, Stomy & cie (1997)
En 1997, le projet de loi Debré vise à durcir les conditions d’entrée et de séjour des immigrés en France. Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des lois Joxe, Deferre, Pasqua qui ont en commun l’hostilité envers les étrangers. À l’initiative du réalisateur Jean-François Richet (Ma 6T va cracker), 17 rappeurs vont se réunir et prendre la plume pour dénoncer ce racisme institutionnel. À cette époque, le rap français est très politisé. Les têtes d’affiche répondent directement à l’appel : Akhenaton, Passi, Stomy Bugzy, Assassin, Fabe rappent tour à tour des couplets de prestige dans ce qu’on pourrait qualifier de “pétition rap”. Les fonds récoltés pour ce manifeste antiraciste sont reversés au MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues). La sortie du disque s’accompagne d’un concert à la Cigale à Paris. Tiré initialement à 6 000 exemplaires, le disque est un succès commercial atteignant 60 000 exemplaires, permettant aux organisateurs de faire un chèque de 500 000 francs au MIB.
Ma punchline préférée :
“Les faits sont historiques, le peuple français a fait couler son sang,
Pour écrire noir sur blanc les bases d’une démocratie en Occident”
Hip-hop Citoyens (2002)
Le 21 avril 2002, la France voit, pour la 1ère fois depuis le début de la Vème République, un candidat d’extrême-droite atteindre le second tour des élections présidentielles. Face à cette tragédie, la rappeuse Princess Aniès décide de réunir un casting XXL comprenant entre autre Sniper, Scred Connexion, Zoxea, OL Kainry… Certains font un constat pour comprendre les causes de cette montée d’idées xénophobes (la responsabilité des médias, qui ont monté en épingle les problèmes d’insécurité, est souvent mise en cause). D’autres regrettent de s’être abstenus (ou de ne pas être inscrits sur les listes) et prônent un vote “du moins pire” au 2nd tour. Tous soulignent le danger de voir un candidat ouvertement xénophobe au sommet de l’État et la volonté de ne plus jamais revoir cette situation.
Ma punchline préférée :
“Sommes-nous les premiers coupables et victimes à la fois ?
Responsable, sur l’beat ou dans les urnes j’pose ma voix
À qui la faute si aujourd’hui j’suis obligée d’écrire c’texte à mon tour
On n’doit plus rester sourd, fallait s’réveiller avant l’second tour”
La France, itinéraire d’une polémique – Sniper (2003)
En 2003, des militants d’extrême-droite issus du groupuscule Bloc Identitaire font pression sur les mairies et les salles de concert pour interdire la venue du groupe Sniper. Un mode opératoire qui consiste à inonder de messages électroniques, coups de téléphone et tracts les municipalités qui accueillent le groupe. En les menaçant, si besoin est, de faire tourner au vinaigre la manifestation culturelle. L’origine ? Certaines phrases des morceaux “La France” et “Jeteurs de pierre” qui ont irrité leurs oreilles fragiles. “On n’est pas dupes, en plus on est tous chauds/ Pour mission, exterminer les ministres et les fachos”Les militants d’extrême-droite réussissent à convaincre un syndicat de police, Nadine Morano, puis le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy à porter plainte. Le groupe Sniper est poursuivi en justice pour “propos injurieux et racistes”, la moitié des dates de leur tournée est annulée. Ils finiront relaxés mais bien affaiblis après 4 procès. Tunisiano raconte avec précision les années de démêlés judiciaires dans “La France : itinéraire d’une polémique”. Ce morceau est écrit comme une interview où Tunisiano répond en rappant aux questions du journaliste Olivier Cachin.
Ma punchline préférée :
“Ils s’acharnent, ils insistent mais que dire, que faire ? Nous sommes traités de racistes par les gosses à Hitler
Les futurs nazis, allergiques à la couleur. Assis à l’extrême-droite votre discours a fait fureur
Marine – Diams (2006)
Diam’s est sûrement la rappeuse la plus complète de sa génération. Elle arrivait à lier le fond et la forme avec dextérité. Elle avait la recette pour produire un rap grand public mais également introspectif et engagé. La sincérité comme dénominateur commun. Sa carrière a été rythmée par différents combats qu’elle a menés au fil de ses albums. Elle a dénoncé les violences faites aux femmes, libéré la parole sur la santé mentale, et s’est beaucoup insurgée contre l’extrême-droite. « C’est toi qui m’gêne », « Ma France à moi », et « Marine » sont des brûlots politiques. Même dans « La boulette », single très mainstream, elle rappelle son engagement “Moi j’emmerde Marine juste parce que ça fait zizir”. Dans l’émission Tout le monde en Parle, Marine Le Pen est invitée à réagir à un extrait de « Marine ». Elle réfute la chanson et propose à Diam’s d’en discuter autour d’un café. En plein concert, Diam’s répondra « Marine, plutôt crever que d’aller prendre un café avec toi, je t’emmerde ». Actuellement retranchée dans la religion et les œuvres caritatives, Diam’s a tiré un trait sur sa carrière musicale. Mais ses engagements continuent d’avoir un écho chez une jeunesse qui déplore la montée inquiétante de l’extrême-droite.
Ma punchline préférée :
“J’suis pas de ceux qui prônent la haine
Plutôt de ceux qui votent et qui espèrent que ça s’arrête”
Le front de la haine – Kenny Arkana (2007)
En 2007, Keny Arkana sort le morceau « Nettoyage au karcher » dans lequel elle s’insurge contre Nicolas Sarkozy, en référence à ses propos tenus à Argenteuil en pleine période électorale. Un sympathisant du Front National va alors récupérer le morceau et monter un clip dans lequel il appelle à voter pour Jean-Marie Le Pen, candidat FN, également en pleine campagne électorale. 48h plus tard, Keny Arkana rétorque avec un clip anti-FN qu’elle intitule « Le front de la haine ».
Elle accompagnera ce clip d’un communiqué de presse : “Défenseuse d’une révolution du bas et anti-institutionnelle, je tiens à rappeler que je ne soutiens aucun candidat, encore moins celui du Front National, et que ce clip est en parfaite contradiction avec les valeurs que j’ai toujours défendues. Je ne reste pas indifférente à ce détournement perfide et scandaleux de ma musique et de mon message, mais cela met en évidence leur stratégie éhontée de propagande qui ne manque pas de porter atteinte à mon oeuvre. Le Combat Continue, Vive La Résistance !”
Ma punchline préférée :
“Tu veux ma rage hein ? Pour que ta moyenne monte
Ton bleu-blanc-rouge m’écoeure moi j’suis une citoyenne du monde”
Écoute la rue – Marianne & Mamadou (2007)
Après les émeutes de 2005 et à l’approche des élections présidentielles de 2007, le climat du rap français est bouillant. La majorité des albums sortis à cette période parlent de politique et dénoncent un climat anxiogène et ultra-sécuritaire. C’est dans ce contexte qu’arrive la compilation “Écoute la rue Marianne” comme un pavé dans une vitre. Plus de cinquante artistes mettent leur voix et leur plume au service de la pensée des banlieues, dans un concept inédit, basé sur le consensus. Écoute la rue Marianne est le résultat d’une synergie sans précédent, à la hauteur de l’enjeu que représentent les élections présidentielles de 2007. C’est une France qui confie son mal-être et ses revendications à Marianne, gardienne des devises de la République, une France qui ouvre le dialogue pour envisager l’avenir différemment. Écoute la rue Marianne sonne le glas d’une époque de contestation au premier degré pour une génération consciente qui tente autre chose, s’exprime et espère être entendue.
Ma punchline préférée :
“Que le pays du borgne reconnaisse ses crimes, que les vérités sortent
Moi je repeins ce tableau, un peu de couleur sur nature morte”
Menace de mort – Youssoupha (2011)
En 2008, le polémiste Eric Zemmour déclare sur le plateau de France Ô : “Je pense que le rap est une sous-culture d’analphabètes”. Cette déclaration choc ne manquera pas de faire réagir le rap français et parmi eux Youssoupha. En 2009, le rappeur envoie une pique au roi de la polémique dans “À force de le dire” : “À force de juger nos gueules les gens le savent/ Qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards/ Chaque fois que ça pète on dit que c’est nous/ Je mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour”. Le suceptible Eric Zemmour s’empresse de porter plainte pour “Menace de crime et injure publique”. Dans une tribune parue dans Le Monde, le rappeur se défend d’avoir menacé le journaliste, dénonçant une nouvelle fois, le « fantasme d’un rappeur-gangster-tueur ». « “Le faire taire” il faut l’entendre dans le sens le plus élémentaire : le remettre à sa place, le mettre face à ses contradictions », écrit-il à propos du journaliste. En 2011, Youssoupha revient sur toute cette polémique dans le titre “Menace de mort” et en profite pour évoquer les nombreuses attaques judiciaires portées contre le rap français avant lui (NTM, Sniper, Mr R, La Rumeur, Ministère Amer…)En 2012, la cour d’appel de Paris juge « non coupable », le rappeur Youssoupha, en concluant que les propos poursuivis « n’excédaient pas les limites admissibles en matière de liberté d’expression artistique ».
Ma punchline préférée :
“Depuis le temps, je guettais ce type qui vous mène à la baguette, mais
Parle de race en tête et puis nous traite « d’analphabètes », j’ai
Dit que j’étais du genre à réagir sur le BPM
Je ne tends pas la joue comme celui qui a vu le jour à Bethléem”
Musique nègre – Kery James (2016)
Candidat à la présidentielle 2017, Henry de Lesquen enchaîne les polémiques. Dans son programme il est marqué noir sur blanc « La musique nègre sera bannie des médias publics ». Kery James ne manquera pas de réagir et d’inviter Lino et Youssoupha pour contre-attaquer. Dans le clip, Kery invite la crème du rap français à venir figurer au service du message.
Ma punchline préférée :
« Je serai dernier s’il n’en reste qu’un, j’ai croisé des regards mesquins
Controversé dans mes versets comme un concert de Black M à Verdun »
Généric – Médine (2019)
Depuis le début de sa carrière, Médine collectionne les polémiques orchestrées par l’extrême-droite. Chaque album, concert, apparition du rappeur met en sueur la fachosphère. « Chaque fois que je parle j’ai des articles à charge » reconnaît Médine dans Speaker Corner. L’obsession de l’extrême-droite pour le rappeur du Havre relève du harcèlement. “Une polémique par mois mais je reste jovial / Je fais plus d’audimat que le mariage royal” Parmi ses détracteurs : Marine Le Pen, qui le qualifie de « fondamentaliste islamiste », preuve qu’elle n’a jamais écouté un seul album et qu’elle le réduit à une barbe et des sourcils froncés. Dans le featuring “Kyll” avec Booba, Médine égratigne Marine Le Pen : “Pour le birthday de ma niña je commande Marine en piñata”. Sauf que Marine Le Pen, n’a pas vraiment apprécié cette petite dédicace et a répondu au rappeur havrais sur Twitter. “Contre ça, nous, on ne pleurniche pas. On se bat avec nos armes : nos convictions et notre amour de la France. MLP”. Dans la foulée, Médine a riposté avec beaucoup d’humour et d’ironie : « Mes excuses aux Piñata du monde entier pour cette comparaison”
Ma punchline préférée :
“J’pue d’la gueule quand je lis leurs programmes à voix haute
Ils écrivent leurs discours d’la main gauche, la droite est dans nos poches
Font des clins d’œil appuyés à la petite fille d’un borgne
Si j’vais à leurs funérailles, c’est pour m’assurer de leur mort”
No pasaran : 22 rappeurs contre le RN (2024)
En 2024, le rap français n’est plus très politisé. L’engagement a presque disparu au profit de la logique capitaliste et ultra-libérale, à l’instar de son grand frère américain. La démocratisation et la gentrification du rap ont fait passer l’engagement au second plan, jugé ennuyeux et obsolète. Est-il possible de refaire un 11’30 contre les lois racistes avec la génération actuelle ? Peu probable mais DJ Kore aura eu le mérite d’essayer. Le problème c’est qu’on ne peut pas forcer des rappeurs non-politisés à défendre des positions politiques. Une conscience politique ne s’invente pas, c’est quelque chose qui mûrit avec le temps. Le morceau est décousu, bâclé, et tous les couplets ne sont pas pertinents. Certains desservent même la cause. D’autres ont réussi à relever le défi comme Kerchak et Soso Maness mais on passe trop vite de “J’ai fait un cauchemar j’ai oublié d’aller voter” de Nahir à “Marine et Marion les putes, un coup de bâton sur ces chiennes en rut” de Alkpote. Dommage, il aurait fallu s’y prendre avant et mieux penser le casting.
Ma punchline préférée :
“C’est pas sur un scrutin, au quotidien il faut combattre
C’est pas un candidat c’est les idées qu’il faut qu’on batte”
Sylvain Fadel
Cette année, Radio Phénix vous invite à célébrer la musique en direct du festival Cabourg Mon Amour. Le 21 juin, de…